Depuis des décennies, Israël a élargi ses frontières non seulement dans les territoires occupés, mais aussi à travers le monde, grâce à des gouvernements soumis à ses politiques expansionnistes. Des pays comme l’Allemagne, la Grèce, l’Espagne, le Royaume-Uni, la Turquie, le Canada ou les États-Unis ont adopté des pratiques et mesures qui, en réalité, favorisent l’impunité d’Israël et restreignent la protestation contre ses politiques à Gaza et dans les territoires occupés.

Malgré l’image largement négative qu’Israël inspire à l’opinion publique mondiale, ses dirigeants ont réussi à étendre leurs frontières politiques et judiciaires afin de poursuivre et criminaliser la dissidence bien au-delà de leurs colonies, exerçant ainsi une influence déterminante dans le maintien de leur statu quo.

En Allemagne, des interdictions massives de rassemblements et des descentes de police contre des militants pro-palestiniens ont été documentées après le 7 octobre 2023. Les autorités régionales ont imposé des interdictions de manifestations, tandis que des arrestations et perquisitions ont été dénoncées par des organisations de défense des droits humains comme un renforcement de la criminalisation de la solidarité avec la Palestine.

En Grèce, la coopération étroite avec Israël — notamment l’usage de ports et de bases pour le transit et le soutien logistique — a fait du pays un partenaire stratégique qui, malgré les protestations internes, facilite des opérations favorables à la politique étrangère israélienne. En 2011 déjà, le gouvernement grec avait bloqué la Flottille de la Liberté, composée de douze bateaux, à la demande directe des autorités israéliennes.

En Espagne, outre les initiatives municipales visant à restreindre ou sanctionner les boycotts d’Israël — comme les recours judiciaires contre le mouvement BDS —, diverses décisions locales et accords internationaux ont limité la marge de protestation et de collaboration avec les campagnes de boycott. L’Espagne, jadis pionnière du principe de Justice universelle, a restreint drastiquement ce mécanisme après l’attaque israélienne contre la Flottille en 2010, cédant aux pressions diplomatiques de Tel-Aviv et rendant pratiquement impossible la poursuite de crimes de guerre commis à l’étranger.

Au Royaume-Uni, les réformes législatives visant à limiter la “perturbation” des manifestations ont durci la réglementation de l’ordre public, touchant directement les mobilisations pro-palestiniennes. Ces lois confèrent à la police un large pouvoir de dissuasion et de sanction, criminalisant de fait le droit de manifester.

Au Canada et aux États-Unis, des mesures internationales ont été mises en œuvre: sanctions et désignations visant des organisations ou individus liés aux réseaux de solidarité palestinienne, accompagnées de campagnes assimilant certaines formes d’activisme à des “risques sécuritaires”. Ces politiques se traduisent par des contrôles financiers, des restrictions de financement et des pressions juridiques sur les groupes pro-palestiniens et étudiants. Présentées comme relevant de la lutte contre l’extrémisme, elles ont en réalité pour effet de réduire au silence la contestation et de délégitimer la défense des droits humains.

Concernant la Turquie, la situation reste contradictoire. Après l’assaut israélien contre la Flottille de la Liberté en 2010 — où dix citoyens turcs furent tués —, Ankara et Tel-Aviv ont normalisé leurs relations et rouvert leurs ambassades en 2022. Bien que le gouvernement turc ait ensuite annoncé des sanctions et la fermeture de son espace aérien, des enquêtes montrent que des flux de carburant et de marchandises ont continué à parvenir à Israël via des itinéraires indirects et des pays tiers comme l’Azerbaïdjan. Parallèlement, les autorités turques ont réprimé des manifestations et arrêté des militants dénonçant cette continuité commerciale, criminalisant ainsi la mobilisation sociale qui demandait la rupture effective des liens économiques avec Israël.

Dans leur ensemble, ces réformes et pratiques — interdictions de manifestations, veto administratifs contre les boycotts, durcissement des lois sur l’ordre public, sanctions internationales et cadres de coopération — démontrent comment les frontières d’Israël s’étendent extraterritorialement. Non seulement par des annexions physiques, mais aussi par des réseaux diplomatiques, juridiques et policiers destinés à discipliner la solidarité et à transformer la protestation en risque politique, judiciaire ou administratif.

Ceux qui défendent la liberté d’expression et la solidarité internationale doivent tenir compte de cette architecture mondiale de la répression pour concevoir des stratégies de mobilisation et de protection des militants. Tout récemment, un prisonnier britannique membre de Palestine Action, ayant obtenu une permission après un an de détention pour ses actions en faveur de la Palestine, a refusé de retourner en prison, déclarant qu’il était “un otage d’Israël sur le sol britannique”. Ce n’est pas anodin que, pour la première fois, une telle terminologie soit employée hors des territoires occupés : elle ouvre une nouvelle narration qui met en lumière la complicité de nos propres gouvernements, plaçant leurs citoyens à la merci de la répression israélienne.
Toute notre solidarité et notre reconnaissance au camarade de Palestine Action pour avoir franchi une étape supplémentaire et ouvert la voie.