Ce qui se passe à Gaza, au Soudan ou au Brésil concerne directement le Canada

Chaque fois que nous descendons dans la rue, nous devons entendre des passants —et lire dans les commentaires sur nos réseaux sociaux— que nos manifestations « n’ont rien à voir avec le Canada ».
Peu importe combien nous essayons d’expliquer que, en réalité, nos mobilisations ne sont pas seulement légitimes, mais profondément liées à la politique étrangère canadienne et à la souffrance qu’elle provoque dans une grande partie du monde, le déni persiste.

Une bulle d’indifférence

Beaucoup de nos détracteurs vivent enfermés dans une bulle superficielle, prisonniers de routines épuisantes qui les empêchent de voir plus loin et de comprendre à quel point tout est interconnecté.
Le manque d’empathie envers ce qui se passe à Gaza, au Congo, au Soudan, au Brésil, en Syrie, en Irak ou en Palestine n’est pas un hasard : c’est le résultat d’une construction délibérée.

Les grands médias, la société de consommation et la précarité qui étouffe la majorité ont façonné une culture de l’indifférence, où la compassion et la solidarité sont presque perçues comme des faiblesses.
On nous apprend à ne regarder que l’immédiat, à nous couper de la douleur des autres et à accepter l’injustice comme une fatalité.

Un consentement fabriqué

Le consentement fabriqué qui permet de justifier le génocide à Gaza —et le silence absolu face à ce qui se passe au Soudan, où des milliers de personnes sont exécutées par des milices financées par les Émirats arabes unis, alliés du Canada tout comme d’Israël— établit un nouveau seuil de déshumanisation.
À cet abîme moral s’ajoutent d’autres criminels, élus ou non, qui appliquent la même logique de mort au nom de la « sécurité ».

Prenons l’exemple du gouverneur de Rio de Janeiro, qui, en pleine campagne de réélection, a décidé d’entrer dans les favelas —ces « maisons de carton », comme le chantait Alí Primera— par le sang et le feu, laissant plus d’une centaine de morts tués par sa police criminelle.
Cela ne vous rappelle rien? C’est la même politique que celle de Netanyahu et d’autres dirigeants israéliens depuis des décennies: tuer en toute impunité, au nom de la sécurité.

Le rôle du Canada dans l’architecture de la violence

Le Canada n’est pas neutre face à ce qui se passe au-delà de ses frontières — il ne peut pas l’être.
L’une des principales sources de revenus des entreprises canadiennes provient du secteur minier.
Le Canada n’exploite pas seulement d’immenses territoires à l’intérieur de ses propres frontières — qu’on demande aux Premières Nations —, mais il maintient aussi un vaste réseau d’opérations extractives à l’étranger, notamment en Afrique et en Amérique du Sud.

Ces entreprises profitent de la faiblesse institutionnelle et politique de nombreux pays pour imposer leurs intérêts : en corrompant des dirigeants, en finançant des milices locales et en soutenant des structures criminelles qui, sur le terrain, agissent comme leur bras armé.
Les compagnies minières —qu’elles soient canadiennes ou non— sont un véritable fléau pour les populations locales.
Elles ont provoqué des guerres pour garder le contrôle des ressources, renversé des gouvernements pour obtenir des concessions d’exploitation, et fait assassiner des défenseurs du territoire et de l’environnement qui osaient s’opposer à leurs projets.

C’est là la face cachée de la politique étrangère canadienne: une diplomatie de l’exploitation, déguisée en coopération et en progrès.
Derrière les beaux discours sur « l’investissement responsable » et le « développement durable » se cache une machine qui dépend de la violence, de la corruption et de la destruction environnementale.

La politique du pouvoir

Les alliances en politique étrangère comptent.
Tout comme l’endroit où nos fonds de pension investissent nos économies, ou le type de consommation que nous choisissons de pratiquer.

Un monde dirigé par des figures comme Trump et Netanyahu —qui font danser les autres pays à leur rythme— n’est pas plus sûr, ni aujourd’hui ni demain.
Leurs normes en matière d’affaires, de droits humains, de langage et de vision du monde mettent en danger la majorité de l’humanité.

Le gouverneur brésilien qui a ordonné le massacre de dizaines d’habitants pauvres dans les favelas de Rio n’aurait jamais osé le faire sans les précédents et l’exemple de Trump et de Netanyahu.
Et la réorientation de la politique étrangère de Trump vers l’Amérique du Sud —avec les yeux rivés sur le Venezuela et la Colombie, riches en pétrole, or et autres minéraux convoités par les États-Unis— devrait alarmer tout le monde au Canada.

Il n’y a pas si longtemps, Trump exprimait sans gêne son souhait de voir notre pays devenir « le 51e État », sachant pertinemment qu’en cas de besoin, il pourrait tenter une annexion par la force, tout comme Israël cherche à le faire avec la Palestine entière.

Notre réponse: la solidarité et la défense de la vie

Face à cette réalité, il ne nous reste que trois outils : la solidarité, la compréhension et la recherche d’alliances fondées sur l’empathie.
Ce sont nos seules armes pour comprendre le monde dans lequel nous vivons et nous protéger mutuellement, nous qui n’avons aucun pouvoir.

Alors, lorsque l’on nous demandera encore pourquoi nous nous mobilisons pour la Palestine, pour le Soudan, pour le Congo —ou bientôt pour la Colombie et le Venezuela—, la réponse est simple :
nous le faisons en légitime défense.

Parce que demain, ce pourrait être nous qu’on enlève, qu’on torture ou qu’on tue.
Parce que défendre la vie, où qu’elle soit, c’est aussi défendre la nôtre.